Auteur : Entrail_Jl
Traductrice : Moonkissed
La tension dans la pièce était étouffante.
Ses yeux étaient intenses. Comme s’ils pouvaient m’avaler tout entier à tout moment.
Me dévorer.
Mais.
Je n’ai jamais détourné le regard.
J’ai continué à le fixer. Je savais que je ne pouvais pas détourner le regard. Détourner le regard signifiait montrer de la faiblesse. Je ne pouvais pas faire ça.
Pas quand je savais qu’il me tuerait pour ça.
Ploc… Ploc… Ploc…
Le sang continuait de couler sur le sol. Brisant doucement le silence qui semblait vouloir envelopper la pièce.
Puis,
« Quel est ton but ? »
Il m’a posé une question.
Une question à laquelle je ne pouvais pas répondre.
But… Quel est mon but…
J’aimerais le savoir aussi.
Soudainement plongé dans cette situation, j’avais encore du mal à accepter tout ce qui m’était arrivé.
Pourquoi étais-je là… ? Qui était responsable de tout cela ? Et pourquoi moi ?
Pour l’instant, mon objectif était de trouver
« des réponses ».
Une explication à ma situation.
Et le but ultime de tout cela.
« Ce que je veux, ce sont des réponses. »
répétai-je. Comme une affirmation envers moi-même. Un objectif était important. C’était pour ne pas me perdre à l’avenir.
« Des réponses ? »
Ses sourcils se froncèrent et la pression qui s’exerçait sur mon cou s’allégea. Il semblait plongé dans ses pensées et, lorsqu’il me regarda, il me demanda :
« Quel genre de réponses cherches-tu ? »
« Qui suis-je ? »
« Hm… ? »
« Où suis-je ? Qui es-tu ? Quel est cet endroit ? Pourquoi suis-je ici ? Quel était le but de ma mise ici ? »
Je lui posais une question après l’autre. Son expression changeait progressivement à chaque question, et avant que je m’en rende compte, l’épée n’était plus sur mon cou.
Pour la première fois, ses yeux ne semblaient pas si intenses.
« Tu n’as pas possédé son corps par choix ? »
La possession du corps était donc possible ?
« Non. »
Je secouai la tête.
« Je suis aussi désemparé que toi à ce sujet. »
Je n’aurais pas autant de mal si je savais.
« … »
Il resta debout, silencieux, peut-être en train de réfléchir à mes paroles.
Tap —
Pendant ce temps, je me dirigeai vers la chaise la plus proche et m’assis. J’avais la tête qui tournait. Avec toute cette perte de sang et ces vomissements, je n’étais pas en état de rester debout.
Je venais de m’asseoir quand quelque chose me traversa l’esprit.
?| Niv. 1. [Peur] EXP + 0,5 %
Une notification familière.
J’avais envie de rire et mes lèvres se retroussèrent doucement. Quelle sorte de blague était-ce ?
La tension dans la pièce augmenta à nouveau.
En tournant la tête, je vis les mêmes yeux gris me fixer. Il semblait étrangement raide.
« Je ne vais pas mordre. »
« … Comment savoir si tu ne mens pas ? »
Mentir ?
Je posai ma joue sur mon poing levé.
« Je n’en sais rien. »
Et je haussai les épaules. Je ne pouvais vraiment rien faire s’il ne me croyait pas.
Si j’avais été à sa place, je ne me serais pas cru non plus. Non seulement j’ignorais comment les choses fonctionnaient dans ce monde, mais la perte de sang me rendait difficile de garder les idées claires.
Mais même ainsi, dans de telles circonstances, en fixant l’homme en face de moi, j’ai compris quelque chose.
« Tu sais déjà que je ne mens pas. »
D’une certaine manière.
D’une certaine manière… J’avais le sentiment qu’il savait déjà que je ne mentais pas. Comment ? L’expression qu’il faisait.
C’était plutôt facile à lire.
« … »
Son silence me servait de confirmation silencieuse.
Il y avait quelque chose qu’il ne me disait pas.
Mais je n’ai pas insisté pour obtenir une réponse.
« Haa… »
Je ne pouvais pas me le permettre.
Garder la tête froide commençait à s’avérer difficile.
« Et maintenant ? Qu’est-ce que tu vas faire ? »
En entendant sa voix, j’ai baissé la tête pour le regarder.
« … Je ne sais pas. »
Je n’étais pas en état de réfléchir.
De plus, je connaissais trop peu le monde. J’avais besoin d’en savoir plus avant de prendre une décision. Hâte fait perdre le sens…
« Je vois. »
Il semblait satisfait de cette réponse.
Une fois de plus, la pièce devint silencieuse. Je profitai de ce moment pour fermer les yeux et me reposer. Mais juste au moment où je les fermais, j’entendis à nouveau sa voix.
« Julien était arrogant. Pas très talentueux. Et quelqu’un qui détestait les roturiers de tout son être… »
Vraiment ?
Il avait l’air d’un type extraordinaire.
« Ton comportement est trop différent. Quand le moment sera venu pour toi de rencontrer quelqu’un lié au Julien précédent, le fait que tu n’es pas lui sera facilement révélé. Ça n’a pas été difficile pour moi. À quel point cela le serait-il pour les autres ? »
Je m’en doutais.
« Mais… »
Il traîna sa phrase, suffisamment pour capter mon attention.
Mais ?
« Je peux t’aider. »
Il baissa le ton.
« Laisse-moi t’utiliser. »
Et j’ouvris les yeux.
Nos regards se croisèrent.
« En échange, je te laisserai m’utiliser. »
***
L’Institut Haven, plus connu sous le nom de [Haven], était l’« Académie » la plus prestigieuse et la plus renommée de l’Empire.
À ce titre, les admissions étaient extrêmement difficiles. À la hauteur d’un institut d’une telle renommée.
Avec une telle réputation, il n’y avait pas de ségrégation sociale entre les roturiers et les nobles. Il y avait cependant un consensus parmi le personnel.
Et c’était que les roturiers n’étaient pas égaux aux nobles.
Mais ce n’était pas pour des raisons stupides telles que la pureté de leur lignée ou de leurs origines. Cela avait plus à voir avec la loi de l’Empire.
Les roturiers n’étaient autorisés à pratiquer le mana qu’à partir de l’âge de 17 ans.
Pour maintenir son autorité au sein de l’empire, la famille royale — la famille Megrail — interdisait strictement aux roturiers de pratiquer le mana avant d’avoir atteint un certain âge.
Il en allait de même pour les nobles.
Contrairement aux roturiers, les nobles étaient autorisés à pratiquer le mana plus jeunes. Cependant, il existait une restriction d’âge qui variait en fonction de leur statut de noblesse.
Seule la lignée directe de la famille Megrail était autorisée à pratiquer le mana depuis sa naissance.
Il était donc normal que les membres de la lignée Megrail soient les premiers à occuper le rang suprême chaque fois qu’un descendant entrait à Haven.
Et pourtant,
« Vous dites qu’il y a quelqu’un de plus apte à occuper le rang suprême. Pas seulement un, mais deux ? »
Flip
Un gant noir tourna délicatement une page. Le mouvement, bien que simple, dégageait une fluidité étrangement gracieuse.
« Ce sera une première pour notre institut. Qu’un noble de rang inférieur soit élu Étoile Noire. Je me demande s’il y a déjà eu un tel précédent dans le passé. Et pas seulement un candidat comme ça, mais en avoir deux… »
L’Étoile Noire.
Un titre décerné au meilleur candidat de chaque année universitaire.
Sans exception, chacun d’entre eux a fini par devenir une figure influente au sein de l’Empire.
C’était un poste important.
« … Il faut le faire. »
Une voix nette répondit.
Le ton semblait étrangement calme. Comme si celui qui parlait traitait d’une question insignifiante.
Mais ce n’était pas une question insignifiante.
Du moins, Atlas ne le pensait pas.
« Cela va certainement causer beaucoup de maux de tête. Pas seulement pour moi, mais pour lui aussi… »
La position ne symbolisait pas seulement le statut.
Elle servait également d’indice.
Quelqu’un que les cadets devaient admirer et essayer de devenir.
Un objectif.
Atlas Megrail soupira en retirant ses lunettes, dévoilant ses yeux jaunes, symbole distinctif de sa lignée directe avec la famille Megrail.
« S’il ne peut pas gérer la pression liée au fait d’être l’Étoile Noire, j’ai bien peur que… »
« Ce ne sera pas nécessaire. »
[Julien Dacre Evenus]
[Leon Rowan Ellert]
Delilah jeta un coup d’œil aux deux profils devant elle. Elle repensa à ce qui s’était passé dans la salle d’examen.
Tap
Son doigt glissa vers l’un des profils.
« Ce n’est pas quelqu’un qui se sentira sous pression pour quelque chose d’aussi insignifiant que ça. »
Elle en était sûre.
Après tout.
Elle l’avait vu en personne.
Slide
Et elle fit glisser son profil vers l’avant.
« L’Étoile noire. »
[Julien Dacre Evenus]
« Ça ne peut être que lui. »
***
Shaa —
De l’eau froide coulait du haut de la douche, chaque goutte me piquant au contact de ma peau.
Mon cœur battait la chamade, mais je restais immobile sous le jet glacial. Je m’accrochais à mon sang-froid, laissant la sensation m’engloutir tandis que je laissais mon corps être consumé par le froid.
Sous la pomme de douche, une tranquillité inhabituelle s’empara de moi, mon esprit se vidant.
Dans ce bref instant, je savourai un petit goût de liberté, aussi éphémère qu’il ait pu être.
Mon cou et mon avant-bras me brûlaient.
Mais sous le froid de l’eau, la douleur semblait dénuée de sens.
Clic !
La fugace sensation de liberté disparut dès que la douche prit fin, et le poids de la réalité s’abattit de nouveau sur moi.
« Utilise-moi… »
Cela ne faisait qu’une heure que je m’étais séparé de lui, et pourtant, j’avais l’impression que cette conversation remontait à quelques instants.
« Je me demande si j’ai fait le bon choix. »
J’examinai le reflet devant moi.
Chaque aspect semblait avoir été méticuleusement travaillé, de la symétrie du visage à la profondeur du regard en passant par la définition de la mâchoire. C’était parfait.
Pourtant, je le détestais.
« Emmet Rowe. »
Je marmonnai à voix haute pour m’entendre, mes mains agrippant silencieusement les bords de l’évier.
« Vingt-quatre ans. Homme. Vendeur. Frère et patient à l’hôpital de San Burrough. »
C’était mon vrai nom, ma véritable identité, et qui j’étais.
Je ne pouvais pas oublier cela.
« Je ne dois pas oublier cela. »
Ce monde n’était pas le mien, pas plus que ce corps. Tous deux m’étaient étrangers. Ce monde ne m’appartenait pas, tout comme je ne lui appartenais pas.
J’avais besoin d’une réponse.
Une raison de continuer à jouer la comédie.
Et pour cela…
Shaa… !
J’ouvris le robinet de l’évier, me lavant calmement le visage tandis que l’eau coulait de mes cheveux.
« Je ferai n’importe quoi. »